Quel que soit le parcours qui a amené une personne à s’identifier comme asexuelle, parfois long en raison du manque de visibilité et d’informations sur le sujet, la question arrive de le dire ou non aux autres. Et si la réponse est oui, quand. On en envierait tous ces hétérosexuels qui n’ont pas à se poser la question !
D’abord, est-ce que ça les regarde vraiment, les autres, de savoir qu’on ne ressent pas d’attirance sexuelle ? De façon générale, je suis d’avis que la vie sexuelle d’une personne ne regarde qu’elle-même, et ses partenaires éventuels à partir du moment où tout se passe entre adultes libres et consentants.
Cependant, la norme sociétale et culturelle demeure l’hétérosexualité, qui s’exprime dans le cadre d’une relation de couple. Cette norme crée des attentes de la part de nos parents, de notre famille, de nos amis, et quelque part, de tous ceux avec lesquels nous sommes amenés à être en contact. Par exemple, pas plus tard que lundi dernier, j’ai acheté deux billets de train. L’employé au téléphone, au demeurant fort aimable et compétent, m’a automatiquement demandé le nom du monsieur qui m’accompagnait. Non, rassurez-vous, mon propos n’est pas de dire à tout le monde, y compris au vendeur de billets de train, que vous êtes asexuel !
Mais si on en revient à la norme, c’est elle qui pousse nos parents à nous poser des questions sur des petits amis à 16 ans, sur quelqu’un de particulier quand on en a 18, à savoir si on s’installe seul quand on prend son premier appartement … Tôt ou tard, ils s’attendent à ce qu’on leur présente quelqu’un, qu’on fonde sa famille et ait des enfants. Si on leur demande pourquoi, ils répondront que c’est normal, qu’ils nous aiment et qu’ils veulent que nous soyons heureux. Et ils n’hésiteront pas à donner de nombreux conseils sur ce qu’il faut dire, faire ou même être pour trouver quelqu’un. Parce que dans notre société, un célibataire est nécessairement quelqu’un qui n’a pas encore trouvé la personne avec qui partager sa vie. Quand vous êtes asexuelle comme moi (ou pas d’ailleurs, ça peut être vrai pour de multiples raisons), vient le moment où il s’agit de faire cesser les questions.
Pourquoi ? Après tout, je ne vis plus avec mes parents depuis longtemps, et je vis dans une grande ville ce qui me garantit un anonymat bien confortable pour faire ce que je veux. Sauf que ce sont mes parents, qu’ils m’aiment et que quel que soit mon âge, ils sont sincères dans leur désir de me voir heureuse. Sauf que ce sont mes parents, que je les aime et que quel que soit mon âge, j’ai envie qu’ils m’aiment pour qui je suis, et de pouvoir leur dire qui je suis. Donc oui, à un moment, il s’agit d’expliquer que je suis asexuelle, et que mes choix de vie font qu’il n’y aura pas de gendre, pas de mariage, pas de petits-enfants … Et que ces choix de vie me rendent heureuse et épanouie. Et de le répéter à tous les autres membres de ma famille dont je me sens proche.
C’est certainement parce que moi-même je ne suis pas en couple, que je n’ai pas commencé avec les principaux concernés, même si je les ai déjà cités, c’est-à-dire les éventuels partenaires. Parce que oui, rappelons-le, la personne asexuelle peut avoir le désir d’avoir des relations intimes et choisir d’avoir des relations sexuelles, ou pas. Dans ce cas, faut-il le dire ? Et si oui, à quel moment ? Ce n’est pas facile de répondre à ces questions, et chacun trouvera la réponse qui lui convient le mieux.
Pour parler un peu de moi, il semble que le désir d’une relation romantique et intime avec quelqu’un exige une sincérité absolue, avec soi, avec l’autre. Dans ma première relation, je ne m’étais pas encore avoué à moi-même mon asexualité d’une part, et d’autre part, la peur du rejet aurait été plus forte que le désir d’être aimée pour moi. Au-delà de notre incompatibilité liée à nos personnalités, c’est l’une des raisons pour lesquelles cette relation n’avait aucune chance dès le départ. Si je devais de nouveau me trouver devant la possibilité d’une nouvelle relation, il me semble que je le dirais d’emblée. Après tout, que sont quelques moments d’embarras face à la chance de vivre une vraie relation de partage ?
C’est beaucoup plus délicat quand on est déjà en couple, qu’on finit par enfin trouver une réponse à ce que l’on ressent, à ce que l’on vit, et que se pose la question des conséquences de cette réalisation. Il va sans dire que chaque situation est différente, chacun est différent, et que je n’ai (malheureusement ?) pas de réponse universelle à apporter.
Et les amis ? Après tout, les statistiques sont formelles, une majorité de français rencontrent leur premier conjoint chez des amis. Donc le leur dire peut présenter des avantages. Et souvent, les amis, c’est la famille qu’on s’est choisi, ce sont nos confidents, parfois ceux avec lesquels on a grandi, ceux sur lesquels on compte en cas de coup dur … J’accorde personnellement une très grande importance à l’amitié. C’est pourquoi j’aurais tendance à penser que là aussi, pour l’authenticité de la relation, le dire est un signe de la confiance que vous placez en vos amis.
Dans tous les cas, attendez-vous à de nombreuses questions, à des malentendus, à des incompréhensions, et laissez-leur du temps pour accepter l’idée. Peut-être qu’un jour, dire qu’on est asexuel sera comme dire qu’on aime le tennis, un non-événement, mais ce n’est pas pour maintenant !
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