Asexualité et début d’une relation : quelle séduction ?

Je vais vous apprendre quelque chose sur moi que vous ne soupçonnez peut-être pas. Je suis une grande consommatrice de romances. Vous savez, le genre de roman où monsieur et madame se rencontrent, tombent amoureux, surmontent des obstacles plus ou moins réels, se marient et vivent heureux. Je lis aussi des romances où monsieur rencontre monsieur, et où madame rencontre madame, je ne suis pas discriminante. Et je suis d’accord avec vous, l’intérêt littéraire en est à peu près nul. Il se trouve cependant que ça me détend de lire une histoire dont je connais déjà la fin, mon esprit est comme en vacances. Si j’ai de la chance, je ne devinerai pas dès les premières pages toute l’histoire et je serai peut-être surprise par un rebondissement en cours de route, qui sait ?

Toujours est-il que dans ces histoires à l’eau de rose, la « rencontre » est toujours abordé sous l’angle de l’attirance physique. Même si les protagonistes se connaissaient déjà, l’histoire débute au moment où monsieur et madame, monsieur et monsieur, madame et madame, peu importe, se rendent compte qu’ils ressentent de l’attirance physique l’un pour l’autre, qu’il ou elle a envie de le ou la toucher, de l’embrasser et entretient des « pensées inavouables » (j’adore la désuétude de cette expression pour parler de sexe dans ce monde où il est partout). Et l’histoire s’arrête au moment où se déclarant mutuellement leur amour, ils décident que plus rien ne pourra les séparer. Quand j’ai accepté mon asexualité, je me suis demandée ce que deviendrait la trame de l’histoire sans le sexe. Et j’ai épluché toutes les pages d’Amazon pour trouver un livre où le héros serait asexuel. J’en ai trouvé deux, un livre de science-fiction et une romance. En anglais. Absolument rien en français. Mais nous en reparlerons dans un autre article.

Donc imaginons un homme et une femme, et simplifions les choses (après tout, c’est nous qui imaginons), chacun sait qu’il est lui-même asexuel, et hétéro romantique, mais qu’il ignore ce qu’il en est de l’autre. Ils sont collègues sans toutefois qu’il y ait un lien hiérarchique entre eux, ils se croisent régulièrement à la machine à café, ont eu l’occasion de déjeuner à la cantine ensemble et de discuter de la météo, de l’actualité, de leurs vacances respectives … Chacun se dit que l’autre possède des qualités et des centres d’intérêts qui l’intéressent, ils ont plaisir à passer du temps et discuter ensemble. Et ? Et puis rien. Dans notre société actuelle où l’asexualité n’a aucune visibilité, il y a en effet de fortes chances pour que cette relation de travail n’aille pas plus loin, parce qu’on nous a appris que l’attirance physique était la base de tout. C’est à partir de là qu’on engage le flirt, qu’on entame une conversation plus personnelle, qu’on passe à l’étape de faire connaissance autrement que superficiellement. Les codes n’existent tout simplement pas pour une relation où il n’y a pas d’attirance physique.

Prenons alors l’hypothèse certainement plus courante qu’un seul des collègues soit asexuel, et pour que ce soit plus simple pour moi, disons que ce soit la femme, et qu’elle en soit consciente. Dans ce cas-là, l’homme ressentant de l’attirance sexuelle pour elle essaie d’aller plus loin, en l’invitant à l’accompagner à une sortie. Admettons qu’elle accepte. Dans ce cas-là, les choses sont plus claires, les deux adultes savent de quoi il en retourne. Enfin, la personne asexuelle surtout, parce qu’il y a fort à parier que l’autre personne n’envisage même pas que l’attirance physique qu’il ressent ne soit pas réciproque. Alors, que doit faire la personne asexuelle dans cette situation ? Tout dépend d’elle-même et de ce qu’elle est prête à faire dans le cadre d’une relation amoureuse. Peut-être accepte-t-elle tout de même les relations sexuelles et dans ce cas, sans être particulièrement enthousiaste, elle est prête à répondre aux demandes à venir ? Ou peut-être refuse-t-elle les relations sexuelles mais elle se dit que si elle parle maintenant, elle tue la relation dans l’œuf sans même lui laisser une opportunité ?

Imaginons ce qui pourrait se passer dans le premier cas (oui, cette affaire devient compliquée, je devrais faire un schéma …). La femme accepte, sans rien dire de son asexualité, un premier rendez-vous, puis un second, puis propose elle-même un troisième et de fil en aiguille, une relation s’installe. A un moment se pose nécessairement la question du sexe. L’honnêteté voudrait qu’avant cette étape, la femme, asexuelle, aborde le sujet avec l’homme, l’informe de son asexualité et qu’ils aient une discussion franche sur leur manière de considérer le sexe en général, et au sein d’une relation en particulier. Quelle importance accorde-t-il au sexe dans une relation ? Comment envisage-t-il les actes qui rentrent dans le spectre sexuel ? Quelles sont ceux qui sont essentiels pour lui ? Quelles sont ceux auxquels il ne porte pas d’intérêt particulier mais qu’il accepte de faire ? Quels sont ceux qu’il refuse de faire ? A mon avis, ce type de discussion est essentiel quelle que soit l’orientation sexuelle des partenaires. Pourquoi ne nous en a-t-on pas parlé lors des cours d’éducation sexuelle à l’école au lieu de nous montrer comment enfiler des préservatifs ? De toute façon, il se trouve que la réalité du manque de visibilité de l’asexualité fait que la femme, pour de multiples raisons, se sente obligée de garder le silence sur le sujet, et que bien souvent, elle accepte des relations sexuelles sans envie. La question que je me pose dans ce cas est quel est l’avenir de cette relation où l’un des partenaires tait une partie essentielle de lui-même ?

En fait, quand j’ai discuté de ce sujet autour de moi avant la rédaction de cet article, les personnes non asexuelles ont réagi en me disant que ce n’était pas la question à se poser. La question selon eux était de savoir si le sexe, même sans envie de la part d’un des acteurs, était satisfaisant ou pas pour l’autre acteur. Car si l’homme, dans notre cas, est satisfait, alors la relation est pleine d’avenir, si les conditions de départ ne changent pas. C’est-à-dire si la personne asexuelle continue de répondre aux demandes sexuelles de son partenaire, et si le partenaire ne modifie pas ces demandes. Je dois avouer que je suis très moyennement convaincue par ce scénario, parce que je peux envisager une multitude de situations qui changent la donne dans le déroulement futur de la relation. Mais mes connaissances m’assurent que dans la réalité, le sujet du sexe étant tabou dans le pire des cas, embarrassant dans la majorité, les couples se satisfont de ce qu’ils ont ; que, même sans être asexuelle, une personne peut ne pas accorder au sexe, aussi bien en qualité qu’en quantité, une place essentielle dans une relation ; qu’après tout, on peut faire rentrer son asexualité dans la catégorie des choses qu’on est pas obligé de se dire dans un couple. Je reste dubitative, mais c’est sans doute mon côté très fleur bleue qui valorise avant tout la valeur du partage au sein du couple.

Maintenant, mettons-nous dans le second cas, celui où avant même d’accepter un premier rendez-vous, la femme informe l’homme qui l’invite à une sortie de son asexualité, et des conséquences. Encore une fois, celles-ci peuvent être multiples. Malheureusement, même si vous l’aurez compris, ce scénario a ma préférence, c’est celui qui est le plus risqué concernant le développement d’une éventuelle relation. Car la réalité du manque de visibilité de l’asexualité fait que, à part quelques exceptions, l’homme se dise que c’est pas de chance et passe son chemin. Et oui, l’honnêteté est souvent mal récompensée ! Et même dans le second cas bis, où la femme attend un peu avant d’en parler, mais en anticipant tout de même la demande de relation sexuelle de son partenaire, je ne pense pas que cela augmente les chances d’établissement de la relation. Alors, vous me direz que je n’en ai parlé qu’avec des femmes, mais le consensus général en la matière est que les gens n’aiment pas les complications, et qu’un éventuel partenaire asexuel, c’est une complication.

Enfin, mettons-nous dans la situation, hautement improbable donc, où l’homme ne fuit pas, engage le dialogue, et essaie de voir avec la femme pour laquelle il a ressenti une attirance, certes physique, mais pas que, comment ils peuvent continuer à se découvrir et à se connaître. Et pour ce qui est de pistes concernant l’aspect physique de la relation, je vous invite à lire l’article sur l’intimité physique. Cette situation idéale selon moi doit certainement être très rare. Pourtant, c’est ce que j’aimerais pour moi quand je me laisse à rêver … Heureusement que j’aime autant être célibataire !

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