Comment allez-vous cette semaine ? Je vous souhaite d’aller aussi bien que moi, aux niveaux physique, émotionnel et mental, car en ce moment, je suis dans un moment particulièrement porteur à mon avis. Il ne s’agit pas uniquement des opportunités qui se présentent ou non, il s’agit aussi d’un état d’esprit et des actions que j’accomplis tous les jours. C’est ainsi que j’ai pensé à l’article d’aujourd’hui, qui, je vous rassure, n’a rien à voir avec le livre de la comtesse de Ségur. Il n’a rien à voir non plus avec le fait que j’aime bien commencer mes articles par des commentaires sur la météo.
Je ne sais pas pour vous, mais moi, j’ai été élevée dans l’idée que si on se conduit bien, alors on est récompensé, on obtient ce qu’on désire. Un ersatz de karma en quelque sorte. Et bien sûr, quand on est enfant, le sens de bien se conduire nous est dicté par nos parents, notre famille, nos enseignants. C’est ainsi que j’étais convaincue que bien étudier entraînait la réussite dans ses études, ce qui entraînait une entrée réussie dans la vie professionnelle, ce qui entraînait une vie de bonheur et de félicité. J’ai un peu déchanté quand j’ai subi six mois de chômage entre l’obtention de mon diplôme et mon premier emploi. Le vrai désenchantement s’est produit lorsque, ayant enfin commencé à travailler, j’ai constaté le fossé entre ce que je m’étais imaginé de ma vie professionnelle, de ma vie en général, et sa réalité quotidienne. Ce n’était pas mon emploi en lui-même, c’était moi et les attentes inadéquates que j’avais.
Pourtant j’avais tout bien fait, j’étais une bonne personne ! Où était la récompense que je pensais mériter ? A laquelle je pensais avoir droit ? La vérité, que je n’ai comprise que bien après, est que dans la vie, on n’a jamais droit à rien, rien ne nous est dû, quel que soit notre comportement personnel. Toujours est-il que j’ai traversé une crise personnelle pendant des années. Pourquoi ? Parce que je n’avais ni le recul nécessaire, ni même l’équipement intellectuel pour trouver la raison expliquant pourquoi j’étais si insatisfaite de ma vie. A cette époque, lorsque je me posais la question, mon cerveau me répondait obligeamment par trois réponses trouvées à l’extérieur de moi-même : c’est parce que tu ne gagnes pas assez d’argent pour acheter tout ce qui te fait envie, c’est parce que tu es trop grosse, et c’est parce que tu n’es pas en couple. Tout ce que j’imaginais m’avoir été promis, que je n’avais pas et qui je le pensais créait mon mal-être.
Sauf que ces réponses extérieures étaient fausses. J’ai d’abord commencé par progresser dans ma carrière et gagner un peu plus d’argent. J’ai pu acheter plus de choses, je n’en étais pas durablement plus heureuse, même si, pour être tout à fait honnête, ça m’amusait beaucoup d’avoir une garde-robe bien fournie. Après quelques années, j’ai appris à ne plus attendre d’avoir perdu du poids pour vivre toutes les expériences dont j’avais envie. Mieux que ça, j’ai appris à aimer et apprécier mon corps tel qu’il était pour tous les services qu’il me rendait et arrêté de le rendre responsable de tout ce qui n’allait pas dans ma vie. Et puis, j’ai eu une relation qui, dans ma tête, allait vers une relation de couple hétérosexuel monogame et stable. J’y ai vécu des moments de bonheur, j’ai aussi été très malheureuse. Dans la relation avec cet homme, mais surtout, dans ma relation avec moi-même.
Vous le savez si vous avez lu d’autres articles, c’est alors que j’ai accepté que je suis asexuelle, ce qui a été le point de départ d’une croissance personnelle et du retour de la joie dans ma vie.
J’ai compris que posséder des choses, encore plus de choses, toujours plus de choses, ne me rendrait jamais durablement heureuse, car il y aurait toujours autre chose pour me faire envie. Or, aujourd’hui, nous agissons comme de grands enfants qui ne peuvent pas accepter la frustration de ne pas posséder ce qui leur fait envie. Alors qu’il est possible d’avoir envie de quelque chose, et de ne pas se sentir obligé de l’acheter. Il est possible d’avoir envie de quelque chose, et de se dire qu’on n’en a pas besoin. Tout comme il est possible de ressentir un certain plaisir à avoir envie de quelque chose, et que ça n’aille pas plus loin. L’argent, l’accumulation, sont des leurres, s’ils sont essentiels jusqu’à un certain point pour ne pas subir la précarité, ils ne sont pas source de bonheur pour moi. Ou alors, on s’appelle Picsou et on prend du plaisir à plonger dans une piscine de métal et de papier.
De même, à part un confort de vie qui peut être plus difficile à cause notamment de l’inadaptation de notre société, notre apparence physique n’a pas à dicter notre niveau ou notre capacité au bonheur. Une femme grosse a le droit d’avoir exactement les mêmes exigences qu’une femme mince, à tous les points de vie. Notre société est très grossophobe, à croire que nous avons besoin d’exclure les autres selon des catégories arbitraires. Sommes-nous à ce point puérils et dans le doute par rapport à nous-même que nous avons besoin de nous rassurer en pointant du doigt tout ce qui ne nous ressemble pas ? J’ai perdu du poids, beaucoup, plusieurs fois dans ma vie. Elle a vraiment changé le jour où j’ai décidé que les attentes des autres par rapport à mon corps ne me concernaient pas. Avant même ma récente perte de poids qui m’a fait revenir dans la moyenne. Ce n’est pas simple, cependant, la bonne nouvelle est qu’il ne tient qu’à chacun d’entre nous de prendre cette décision.
Tout ça pour dire qu’enfin, plus de quinze ans après ma crise de la vingtaine, j’ai dépassé ces réponses fausses pour trouver la vraie : moi-même. Et mon autre privilège, c’est de savoir que dans les moments de doute, la réponse sera toujours moi. Je ne suis pas dans un optimisme béat, je sais que dans ma vie, je ressentirai encore beaucoup de sentiments désagréables, de la frustration, de la colère, de la tristesse … Cependant, j’ai confiance en moi, et je choisis de penser qu’après la pluie, vient le beau temps. Avec parfois un arc-en-ciel pour nous faire regarder vers le haut.