Qui je suis …

Je me rappelle un épisode d’une série de science-fiction où un personnage était retenu prisonnier tant qu’il n’avait pas répondu de façon satisfaisante à la question “Qui êtes-vous ?”. De tous les épisodes que j’ai regardés, je ne sais pas pourquoi c’est ce moment qui m’est resté en tête. Certainement parce qu’il faisait écho aux trois questions que l’Humanité se poserait depuis toujours. Qui sommes-nous ? D’où venons-nous ? Où allons-nous ? Trois questions dont les réponses sont supposées nous révéler le sens de la vie. 

Alors, qui suis-je ? A cette question, il est assez facile de répondre avec des informations, du style de celles que l’on trouverait sur une fiche à remplir pour son passeport : nom, prénom, âge, sexe, couleur des yeux, taille. Mais toutes ces choses, pour autant qu’elles nous décrivent, disent-elles qui nous sommes ? Mon père m’a légué son nom de famille, pourtant, je me suis toujours plus sentie appartenant à ma famille maternelle. Lui et ma mère ont choisi mon prénom, je l’apprécie, mais je ne m’y identifie pas. Mon âge ne dit rien de mes expériences passées, ou à venir je l’espère. Ma taille varie en fonction des toises, et mes yeux sont marrons, comme la grande majorité des humains. Non, rien de tout cela ne dit qui je suis. 

Je suis une femme, ce qui est déjà plus intéressant pour m’identifier. Car bien que nous soyons plus de la moitié de la population des humains, me reconnaître comme femme parle d’expériences vécues, de sexisme ordinaire, d’intériorisation sur ce qui est attendu de moi en tant que femme. Je ne suis pas un homme, aussi il m’est difficile d’apprécier à quelles contraintes ils doivent se plier, cependant, j’oserais postuler qu’elles sont plus nombreuses et plus pesantes lorsqu’il s’agit des femmes, ledit sexe faible … Dit par qui ? Par un homme bien sûr ! 

Encore que, j’ai la “chance” de ne pas me sentir autre dans mon corps de femme, je ne m’étais d’ailleurs jamais posé la question avant d’entendre parler de ceux qui ne se reconnaissent pas dans leur corps physique. Alors, s’il est possible de se sentir femme dans un corps masculin, et homme dans un corps féminin, qu’est-ce que ça signifie de se sentir femme ? Je n’ai pas la réponse, parce que dans mon expérience, la question n’a jamais eu besoin d’être posée. C’est précisément la différence qui crée la question. 

Malheureusement, lorsque la différence est marginale, dans le sens où elle concerne relativement peu d’individus, elle est marginalisée, elle est appelée déviance. La majorité a pour elle le poids du nombre, elle est donc normale, elle a donc raison. Ceux qui sont différents ont tort, ils doivent faire le nécessaire pour, sinon devenir normaux, au moins le paraître. Sommes-nous si peu évolués en tant que société que nous ne saurions reconnaître ces différences sans les stigmatiser, sans chercher à les “redresser” ? 

Je suis asexuelle. J’ai passé du temps avant de comprendre que j’étais différente, avant de mettre un mot sur cette différence, avant de l’accepter. Pourquoi autant de temps ? Parce que je ne savais pas que cette différence existait. Parce qu’on ne m’avait jamais parlé que d’hétérosexualité, d’homosexualité et de bisexualité. Parce que comme pour tous ceux qui m’entouraient, désirer une autre personne physiquement allait de soi, la question était de savoir vers qui l’attirance physique se portait, pas si elle existait. 

Et encore, j’ai eu de la chance, la question de la sexualité n’était pas taboue à la maison, j’ai reçu des cours d’éducation sexuelle, j’avais des personnes avec lesquelles parler. Mais aucune qui ne soit comme moi, et surtout, malgré un milieu relativement progressiste, aucune qui ne définisse pas l’hétérosexualité comme la norme absolue. J’aurais aimé pouvoir me reconnaître sur ce plan-là dans une autre personne, que cette altérité en quelque sorte légitime ma différence, même si elle n’en a pas besoin. Pas nécessairement quelqu’un de mon entourage, mais un personnage de roman, de film, de série … Non, le modèle universel est qu’à l’adolescence, on est forcément “travaillé par ses hormones”, alors, tout ce qui est destiné à ce public tourne autour de savoir qui nous plaît, à qui ont plaît, qui sort avec qui, ceux qui l’ont déjà fait, ceux qui ne l’ont pas encore fait … 

C’est pour ça que ce blog existe, pour témoigner que l’asexualité existe, et que cette orientation sexuelle est aussi normale que les autres, ni plus, ni moins. Bien que cela fasse partie de mon identité, ce n’est pas non plus le début et la fin de qui je suis, et surtout, cela ne dit rien des opportunités, des chances de joie et de satisfaction de ma vie. Cela ne me condamne pas à la solitude, à ne pas avoir de famille, à vivre en marge, ou pire, à faire semblant pour me conformer à une quelconque normalité imposée. 

Je n’ai pas encore la réponse exhaustive à la question de savoir qui je suis, je pense que la chercher fait partie de l’essence de la vie. Seulement, j’aurais aimé qu’en tant que société fraternelle, nous soyons plus ouverts aux questions de différences de sexe, de genre, d’attirance sexuelle, que nous soyons plus représentatifs et imaginatifs dans ce que nous créons, et que nous arrêtions enfin de penser en termes de normes. Dire et reconnaître qu’il existe des différences ne doit plus être équivalent à comparer et à décider de ce qui serait normal, de ce qui serait mieux. C’est juste ça, différent.

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